Et Jérôme ?


La question naturelle qui vient à l’esprit dès qu’on évoque le voyage de Damien, l’Antarctique ou l’aventure en mer est : « Et que devient Jérôme ? »

La réponse tient en aussi peu de mots : « Jérôme n’est jamais revenu, Jérôme n’a jamais quitté le Grand Sud, Jérôme poursuit le voyage que nous avions commencé sur les bancs de notre école grenobloise. »

Lorsque nous sommes rentrés en France fin 1973 après notre épopée sur le premier Damien, nous n’avions qu’un but : repartir au plus tôt, repartir ensemble mais chacun sur notre bateau et chacun en couple avec les femmes que nous avions rencontrées durant notre voyage. Nous nous étions donnés 1 an ½ à 2 ans au maximum. C’était un délai un peu court pour construire 2 grands bateaux spéciaux, adaptés au grand voyage et à la vie dans les régions extrêmes, mais nous réussîmes à peu près à le tenir. Les circonstances de vie ne nous offrirent évidemment pas deux destins strictement parallèles: je finis par me retrouver navigateur solitaire sur mon grand Damien 3, tandis que leur navigation australe conduisait Jérôme et Sally vers le continent antarctique pour un exceptionnel hivernage en autonomie complète, le premier du genre. Hivernage conclu dans la même autarcie par la naissance sur le bateau de leur premier fils, Dion, l’actuel skipper du plus gros bateau de leur flotte basée dans les îles Falkland. Cette étonnante aventure est racontée dans le livre de Sally « Le Grand Hiver », d’abord paru aux Editions Arthaud, puis réédité chez Transboréal.

C’est dans cet archipel venté des Falkland, devenu camp de base, que toute la famille s’est installée depuis plus de 30 ans. Si on excepte d’épisodiques et courtes visites en Europe, Jérôme n’est jamais revenu. Comme la famille, Damien II s’est agrandi, a subi des transformations au cours du temps, Golden Fleece, un voilier plus gros, l’a peu à peu remplacé pour les explorations scientifiques ou cinématographiques vers la péninsule antarctique ou les îles polaires les plus inaccessibles de cette zone. En 2011, un puissant navire de haute mer parfaitement adapté à ce type de navigation polaire est venu compléter la flotte.

Au fil du temps et des dizaines de milliers de milles parcourus le long de la Péninsule antarctique, jusque dans les recoins les plus secrets de la Baie Marguerite, Jérôme a fait de cette région son jardin. A mes yeux, ce navigateur pour lequel je conserve amitié et admiration, est de la dimension des grands explorateurs polaires d’autrefois, ceux qui nous inspirèrent sur les bancs de notre école pour nous dire que nous devions oser sans attendre. Demeuré fidèle à notre idéal de gamins qui nous avait convaincu qu’avec peu on peut faire beaucoup, aller loin et longtemps, amoureux d’un environnement rude, il s’est offert une destinée unique à la surface du globe, à l’écart de toutes les vaines agitations de notre monde moderne. Mon souhait personnel est d’avoir encore assez d’eau à courir pour un jour en témoigner à travers une biographie qui servirait de référence à d’autres jeunes rêveurs-idéalistes décidés à passer à l’action, ainsi que nous l’étions. La boucle serait bouclée.

Davantage d’informations directement sur le site de Jérôme : http://www.goldenfleecexp.co.fk/

 

Interview de Jérôme (extrait du DVD « Le voyage de Damien »)

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